Dossiers

Le plus grand film de tous les temps

Sight & Sound

2022 a été une année formidable pour le cinéma belge.


Sight & Sound

Le festival de Cannes a mis en lumière le travail de trois générations (Luc et Jean-Pierre Dardenne, Charlotte Vandermeersch et Felix Van Groeningen, Lukas Dhont et Adil El Arbi & Bilall Fallah) et l’année se termine par la consécration de Chantal Akerman, qui nous vient de la revue Sight & Sound. Celle-ci a rendu le 2 décembre sa liste des 100 meilleurs films de l’histoire du cinéma et plus de 1 600 critiques et spécialistes de cinéma ont désigné Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles de Chantal Akerman, comme étant le plus grand film de tous les temps.

La Cinémathèque royale de Belgique, CINEMATEK, gardienne du cinéma belge et, en collaboration avec la Fondation Chantal Akerman, de l’œuvre magnifique de Chantal Akerman, ont accueilli cette nouvelle avec une joie et une fierté immenses. Les deux institutions restaurent et préservent l’œuvre de Chantal Akerman, soutiennent son héritage, valorisent ses archives film et non-film et se consacrent à sa diffusion.

Chantal et ses films extraordinaires, en particulier cette œuvre, Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles a été un film important pour moi et je suis heureux qu’il ait été reconnu comme le film brillant qu’il est.

(Gus Van Sant)

Chantal Akerman, qui souhaitait voir son travail préservé et pérennisé a débuté la restauration de ses films à CINEMATEK, institution avec laquelle elle a toujours entretenu une relation privilégiée. Elle y supervisa en 2014 la restauration de Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles. La consécration de Sight & Sound est une reconnaissance indispensable pour son œuvre, et en filigrane, pour le travail de sauvegarde et de valorisation – la numérisation permettant que le film soit désormais accessible dans le monde entier -, en sa présence et depuis son départ.

Jeanne Dielman, 23 Quai du Commerce, 1080 Bruxelles était en 1975 et est encore aujourd’hui un film magnifique, unique et inclassable. Il montra que le temps, la matière même du cinéma, pouvait être le temps de la vie quotidienne d’un être humain et il montra que cet être humain pouvait être une femme. Deux découvertes simples et majeures qui inaugurèrent une nouvelle ère du cinéma.

(LUC DARDENNE)

Réalisé alors qu’elle n’avait que 25 ans et produit par une équipe essentiellement féminine aux postes importants, Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles, visionnaire, brille depuis sa présentation à Cannes en 1975. Créant tout à la fois passions et rejets, il a marqué profondément l’histoire du cinéma. Le film occupait très certainement dans le cœur de nombreux cinéphiles, dans le nôtre, la première place de toutes les listes possibles. Le changement structurel des votants de la liste de Sight & Sound (le double d’il y a 10 ans et une sélection plus diversifiée) fait de Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles un choix plus conforme au monde, à ses changements et ses préoccupations.

Jeanne Dielman » est l’expérience cinématographique la plus forte que j’ai eu l’occasion de vivre. C’est un chef d’œuvre de récit et de mise en scène qui donne sens au moindre détail et qui a foi en l’intelligence du spectateur. Avec le « rien », Chantal Akerman nous raconte le « tout ».

(LAURA WANDEL)

Influence majeure pour les cinéastes et artistes de toutes les générations, des cinéastes internationaux Gus Van Sant, Todd Haynes, Apichatpong Weerasethakul, Céline Sciamma ou Greta Gerwig, aux grandes figures belges que sont Laura Wandel, Lukas Dhont, Caroline Strubbe, Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles continuera d’inspirer les créateurs et créatrices de demain.

Il y a si peu de films qui changent la façon dont vous pensez – et regardez – les personnes qui font partie de votre vie depuis votre naissance. Lorsque j’ai découvert Jeanne Dielman, 23 Quai du Commerce, 1080 Bruxelles, en tant que jeune étudiant en cinéma, il est inutile de dire que je n’avais jamais vu un film comme celui-ci. Bien que la réalité m’ait présenté ces images, je ne les avais jamais rencontrées sur un écran. Les fois où ma mère nous emmenait au cinéma, nous voyions des images de famille royale, de romance ou d’explosions. Jamais le pain de viande que ma grand-mère nous préparait après l’école. Je me souviens l’avoir regardée quand j’étais enfant. Sa silhouette contre la fenêtre de la cuisine alors que l’horloge de l’église du village sonnait. Je me souviens avoir revu cette image encore et encore, légèrement différente à chaque fois, mais les aiguilles de cette horloge indiquant toujours la même heure. Je n’avais jamais pensé à elle comme à quelqu’un à qui on avait assigné ce rôle, cet espace, cette fenêtre. Et c'est quelque chose que Chantal Akerman m’a donné en tant qu'être humain et artiste. La possibilité de filmer ce que l'on voit, et non ce que la société veut nous faire voir. Elle m’a invité à regarder plus longtemps, plus loin et avec plus de profondeur les personnes les plus proches de moi. Elle a déverrouillé les couches, les systèmes et les murs invisibles que je n’avais pas remarqués. Ce faisant, son travail a la force incroyable de révéler les choses cachées au grand jour.

(LUKAS DHONT)
Sylviane Akerman, Présidente de la Fondation Chantal Akerman
Tomas Leyers, Conservateur de la Cinémathèque royale de Belgique