Dossiers

Âge d’Or

L’histoire de l’Âge d’OR

29.05 2021

L'héritage avant-gardiste de Jacques Ledoux

 © Bea Borgers

Le Prix de l'Âge d'Or a été décerné pour la première fois en 1957 au film La pointe courte d'Agnès Varda. Jusqu'en 1973, il fut décerné en dehors de tout contexte de projection publique... Sauf en 1958, 1963 et 1967, où le prix fut remis dans le contexte d'EXPRMNTL, l'extraordinaire Compétition du Film Expérimental organisée par Jacques Ledoux à Knokke et à Buxelles. Ainsi, en 1958, c'est dans le cadre d'EXPRMNTL, que le prix fut décerné à Kenneth Anger.

L'événement avait donc une vocation à la fois esthétique et philosophique. Pour Ledoux, "un style négligé, académique et conventionnel ne pouvait que nier, voire même trahir, un contenu révolutionnaire et subversif".


Palmarès

En 1973, le Prix de l'Âge d'Or prend une nouvelle forme. Il est désormais décerné par un jury belge à un long métrage dans le cadre d'un programme public présenté au Musée du Cinéma.

Fruit de nombreuses discussions animées entre Jacques Ledoux et René Micha, longtemps président du jury du prix de l'Âge d'Or, les mots "révolutionnaire" et "poétique" laissent place à "originalité" .

"Le prix de l'Âge d'Or récompense un film qui, par la particularité de son montage et de son écriture, s'écarte des grandes voies cinématographiques. Il reste, bien sûr, un hommage à l'œuvre renommée de Luis Buñuel et est le reflet des évolutions parallèles de la mentalité et du cinéma."

(Jury Âge d'Or)

Organisé chaque année à CINEMATEK, ce festival a continué d'inclure des rétrospectives thématiques, des projections, des débats et des projections de restaurations de films, dans le but de mettre en lumière les films produits au cours des deux dernières années. Le festival a présenté un programme de films audacieux qui cherchait à déconstruire et à critiquer le conformisme dans le cinéma et la société. Le festival a choisi de ne pas distinguer les genres dans les différentes sections, ni de se limiter à un format spécifique. Le visiteur a pu profiter de projections uniques et spéciales où des artistes venaient régulièrement présenter leur propre film.

Le palmarès donne non seulement un bon aperçu des lauréats du prix Âge d'Or, mais il reflète également l'évolution continue du concept. Festival de cinéma contemporain et progressiste soucieux de se réinventer sans cesse pour ne pas devenir mainstream ou fidèle à la tradition, de nouvelles perspectives sont régulièrement imaginées. Les titres sont catalogués à partir de 1973 et cinq ans plus tard sont créés les Film Finds, cette catégorie comprend les films existants qui correspondent pleinement à l'esprit d'Âge d'Or et qui, selon le jury, méritent la renommée, mais ne participent pas à la compétition. En 2004, il a été décidé d'attribuer un prix pour cette catégorie également et à partir de 2010, il y aura un prix public officiel. Aucune compétition n'a eu lieu en 1995 et 2001.


Curieux de savoir qui a remporté le prix?

Ci-dessous un extrait du palmarès de l'Âge d'Or (jusqu'en 2004)

1973
WR: Misterije Organizma, Dusan Makavejev Yugoslavia
1974
Les Contes Immoraux, Walerian Borowczyk France
1975
L’expropiacion, Raul Ruiz Chili
1976
O Thiassos, Theo Angelopoulos Greece
1977
Seishun No Satsujinsha, Kazuhiko Hasegawa Japan
1978
Shirley Temple Story, Antoni Padros Spain
1979
1980
Sauve qui peut (la vie), Jean-Luc Godard France-Switzerland
1981
Caniche, Bigas Luna Spain
1982
Outside in, Steve Dwoskin UK
1983
Eisenhans, Tankred Dorst BRD
1984
Utopia, Sohrab Shahid Saless BRD
1985
Le Soulier De Satin, Manoel De Oliveira Portugal-France
1986
Diapason, Jorge Polaco Argentina
1987
Anjos De Arrabalde, Carlos Reichenbach Brazil
1988
1988
Os Canibais [The Cannibals], Manoel De Oliveira Portugal
1989
Neardeath, Frederick Wiseman USA
1990
Caidos Del Cielo [Fallen from Heaven], Francisco Lombardi Peru-Spain
1991
Edward Ii, Derek Jarman UK
1992
Sangatsu No Raion [March Comes In Like A Lion], Hitoshi Yazaki Japan
1993
Kitchen, Yoshimitsu Morita Japan
1994
Satantango, Béla Tarr Hungary
1995
1996
A Comedia de Deus, João César Monteiro Portugal
1997
Witman Fiuk, Janos Szasz Hungary
1998
Xiao Wu, Jia Zhang Ke China
1999
Khroustaliov, Ma Voiture, Alexei Guerman Russia-France
2000
Eureka, Shinji Aoyama Japan
2001
2002
Japón, Carlos Reygadas Mexico
2003
Clément, Emmanuelle Bercot France
2004
Los Muertos, Lisandro Alonso Argentina-France

Films Jeunes / Films Inédits

Conservateur de la Cinémathèque royale de Belgique durant plusieurs dizaines d’années, Jacques Ledoux fut un archiviste atypique. Son ami Amos Vogel, fondateur du ciné-club new yorkais Cinema 16 et auteur de l’ouvrage Film as a Subversive Art, a relevé la position singulière de Ledoux au sein de la communauté des cinémathécaires:

Les archivistes du cinéma, dans les cinémathèques et les musées, sont […] très méthodiques, orientés vers un but et attachés au passé. Ils ont ces caractéristiques, mais contrairement à beaucoup d’autres, Ledoux avait un intérêt pour l’avenir, il était très impliqué dans l’avant-garde, il l’aimait avec un amour sincère, et chaque fois que je le voyais, je réalisais qu’il avait un nouvelle façon de la voir.

(Amos Vogel)
Ledoux, Jacques (1974)

Pour cet ardent cinéphile, nous dit le cinéaste Jean-Marie Buchet, le cinéma à venir était forcément plus intéressant que celui qui avait déjà été produit. Chez Ledoux, le soin attentif pour les réalisations du passé se doublait – chose rare – d’une insatiable curiosité pour le présent et le futur du cinéma, et en particulier pour ses formes les plus originales. Le festival EXPRMNTL de Knokke (cinq éditions entre 1949 et 1974) et le Prix de L’Âge d’Or (créé en 1957 mais dont Ledoux décida de faire une manifestation à part entière dès 1973, afin de célébrer les films qui, par leur mise en question des valeurs établies, rappellaient l’œuvre poétique et révolutionnaire de Luis Buñuel) témoignent de cette activité et de ce plaisir de l’invention.


On sait moins qu’entre la mythique édition d’EXPRMNTL 4 (1967) et celle d’EXPRMNTL 5 (1974), dont Ledoux allait garder un souvenir déçu au point que celle-ci serait la dernière, mais avant la création du festival de L’Âge d’Or (1973), le conservateur de la Cinémathèque avait développé, au Musée du Cinéma, un autre festival, nommé «­Films jeunes, films inédits­», qui assura la jonction entre ces initiatives.

«­Films jeunes, films inédits­» connut quatre éditions, entre 1968 et 1972, et représenta l’une des étapes majeures d’un intense travail de programmation qui, à cette période, vit Ledoux introduire de plus en plus fréquemment les productions expérimentales au sein du programme mensuel des projections.

Dédiée aux œuvres libres, échappant aux formatages, réalisées par «­les enfants sauvages du cinéma­» (pour reprendre la formule du critique Gérard Langlois, alors citée par Ledoux), la programmation de «­Films jeunes, films inédits­» suivait une approche nouvelle, croisant les films d’expérimentation formelle avec les ciné-tracts comme avec les tentatives de renouvellement de la narration. Suivant une grande liberté d’association, y furent présentés les films de Jean Eustache, Fernando Solanas, Robert Beavers, Sarah Maldoror, Moustapha Alassane, Werner Herzog, Tom Chomont, David Cronenberg, Mario Schifano, Marguerite Duras, Walerian Borowczyk, Jozé Bénazéraf, Yoji Kuri, Ed Emshwiller, ou encore de la Coopérative Nouveaux Printemps, ou du Groupe Zanzibar gravitant autour de Sylvina Boissonnas.

Musée du Cinéma - Filmmuseum
Deux fois, Jackie Raynal, France-Frankrijk 1968
A nous deux, France !, Désiré Ecaré, Côte d'Ivoire-Ivoorkust 1969

Le 19.02 « Film jeunes, films inédits », un festival créé par Ledoux au Musée du cinéma, sera présenté par l'historien et programmateur indépendant Xavier García Bardón. Il est frappant de constater que les choix de Ledoux sont toujours d'actualité, comme le montrera Xavier García Bardón le 19.02, d'abord avec Jackie Raynal comme invitée et ensuite avec la projection du film A nous deux, France ! de Désiré Ecaré.