Le cinéaste suisse Jean-Luc Godard et l’auteur et réalisateur iranien Ebrahim Golestan ne se sont jamais rencontrés, mais désormais, chaque vendredi, ils s’échangeront une lettre. C’est l’idée astucieuse de la réalisatrice Mitra Farahani, qui embarque les deux ermites dans un jeu cinématographique sous forme de correspondance écrite, visuelle et sonore. L’un vit sur les rives du lac Léman, l’autre dans un gigantesque manoir du Sussex à l’allure d’un décor de cinéma. Le premier envoie des messages ovnis cryptés sous forme de collage numérique, le deuxième, déboussolé par la loufoquerie décalée de son correspondant franco-suisse, essaie d’y projeter du sens. Avec son film précédent, Fifi hurle de joie, on devinait l’attrait de la cinéaste iranienne pour les vieux râleurs qu'elle filmait déjà avec humour et tendresse. Farahani réussit ici à orchestrer avec légèreté le crépuscule artistique de deux géants, deux Robinsons légendaires se renvoyant des bouteilles à la mer, libres soudain de confier leurs envolées poétiques à la caméra complice de leur amie cinéaste.